
Christian et François Ben Aïm explorent librement les territoires de la danse et de l’imaginaire. Avec une exigence constante, qu’elle se loge dans la précision technique de petites formes épurées, ou dans la magnifique cohérence de pièces spectaculaires convoquant plusieurs arts ; avec une singulière délicatesse aussi, qui préserve à chaque instant la poésie des formes et la beauté fragile du monde créé sur le plateau. Combinant l’engagement physique d’une danse qui célèbre le mouvement comme un art de dire, et une merveilleuse poésie du doute ou du tremblement, leur travail possède la puissance et la sincérité des vraies quêtes artistiques. Pour autant, cette recherche ne se contente pas de sa cohérence interne et de sa qualité d’expression ; elle s’offre en partage. D’abord en laissant de l’espace à l’imagination du spectateur, au gré des suspensions de la danse ou de la musique, par la variation soignée des tempos, par la place accordée aux créations visuelles et sonores d’autres artistes ; mais aussi par la puissance de l’émotion qui habite chaque pièce. De la beauté d’un mouvement, de l’incarnation du geste par l’artiste, du regard simplement posé d’un danseur sur un autre, de la puissante respiration d’un ensemble, les frères Ben Aïm tirent ce qu’il y a de plus beau. Une théâtralité subtile et qui est proprement celle de la danse, tant elle est indissociable du corps et du non-dit. Le spectateur, lui, emboîte le pas des artistes sur les chemins qui questionnent le monde et les hommes, et en sort profondément ému. Il n’avait rien vu venir.
Véronique Sternberg
Mai 2020